Contre-critique

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"Une vie française" de J-P Dubois

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"Une vie française" de Jean-Paul Dubois.

 

"Telle était ma famille à l'époque, déplaisante, surannée, réactionnaire, terriblement triste. En un mot, française. Elle ressemblait à ce pays qui s'estimait heureux d'être encore en vie, ayant surmonté sa honte et sa pauvreté. Un pays maintenant assez riche pour mépriser ses paysans, en faire des ouvriers et leur construire des villes absurdes constituées d'immeubles à la laideur fonctionnelle."

Passées les premières pages, on est vraiment pris par le récit. Située au départ vers 1962, l'histoire de Paul Blick se révèle bien écrite, elle sonne juste et se voit gorgée d'un cynisme particulièrement mordant. On en retient d'emblée la discussion familiale qui a lieu à table et qui concerne l'indépendance de l'Algérie, ainsi que le personnage obsédé par l'onanisme qui fait référence à "Portnoy et son complexe". L'intégration au service militaire, ainsi que mai 68, sont pour nous, comme pour le héros qui ne vote pas et qui caillasse le lieu de travail paternel, des moments de folie mémorables, au cours desquels surgit l'humour.

"... j'éprouvais toujours une crainte diffuse de voir Anna surgir à l'improviste et me surprendre à quatre pattes, dans le salon, en train d'allaiter, telle une louve, et de mon unique et turgescente mamelle, une enseignante de latin-grec enfumée aux huiles orientales et aux délires philistins de Jethro Tull."

Le roman est un récit fleuve, qui s'étale sur des décennies, et dont la langue acerbe et virulente nous rappelle quelquefois John Irving et son "Monde selon Garp". Dubois est pourtant plus décousu et moins précis. On retrouve également des excès, dans les traits de caractères exagérés des personnages, qui nous rappellent vaguement la langue fleurie de Louis-Ferdinand Céline.

"Je pense que ma grand-mère est la seule personne dont j'ai réellement souhaité et espéré la mort. J'en ai aussi longtemps voulu à mes parents de ne pas remettre ce personnage à sa place, mais il est vrai qu'à l'époque il était normal d'endurer stoïquement la torture des ascendants, fussent-ils de francs salopards."

Tous les passages où il est question de photographie sont passionnants. Paul Blick en a fait sa profession et l'on imagine aisément les abstractions minérales de toutes sortes qu'il a prises, tout comme le défilé d'arbres qu'il découvre dans la nature, et l'on voudrait voir les images du livre "Arbres de France" auquel il participe une fois devenu adulte et père de deux enfants.

Véritable bonne surprise, ce livre semble parfait pour découvrir Jean-Paul Dubois et l'apprécier. Par contre, attendez-vous à une fin peu joyeuse, qui navigue entre deuil et enfant dépressif.

R.P.



31/12/2023
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