Contre-critique

"L'Enragé" de Sorj Chalandon.

"Un instant, j'ai songé à détourner la chaloupe vers la côte. De prendre le novice en otage, le plus jeune de tous. Mon couteau sous la gorge et direction la terre. Je n'avais aucune chance. Il fallait que je me calme."

Jules Bonneau, dit La Teigne, est un enfant qui, depuis ses treize ans, grandit à Haute-Boulogne, la colonie pénitenciaire de Belle-île-en-Mer. Il nous raconte son histoire et sa révolte à l'encontre des gardiens du lieu, comme Chautemps et son nerf de boeuf. Le roman s'ouvre en 1932, alors que notre héros à 18 ans, puis narre son évasion avec d'autres enfants, en 34.

Le récit est âpre et émouvant. La rage court dans les veines du héros et les altercations sont nombreuses. Il y a également suffisamment de dilemmes pour que le lecteur soit tenu en haleine.

"En descendant de voiture, j'étais un homme mort, en revenant sur mes pas j'étais un assassin. Sans honte ni conscience torturée. Lui ou moi. Je n'avais pas eu le choix. J'allais vivre avec ce crime. Et cela m'allait."

À mi parcours, on bascule dans le vie d'un marin pêcheur et on change radicalement d'univers, même si la liaison n'est pas fortuite - puisque nous sommes sur une île - et l'ensemble demeure cohérent.

On apprécie l'apparition du poète Jacques, qui surprend et fait écho à la réalité tout en permettant l'invention littéraire.

Chalandon règle également ses comptes avec les pratiques usitées par les Croix-de-Feu, qui s'opposaient violemment aux communistes et aux anarchistes quitte à fomenter des complots, comme le fera Francis Mével.

En résumé, un roman sur l'enfance efficace, qui se lit facilement, comme Chalandon sait les écrire.

R.P.