Contre-critique

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"La possibilité d'une île" de M. Houellebecq

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"La possilbilité d'une île" de Michel Houellebecq.

 

"Nos nuits ne vibrent plus de terreur ni d'extase ; nous vivons cependant, nous traversons la vie, sans joie et sans mystère, le temps nous paraît bref."

Comme à son habitude, Houellebecq nous livre un roman caustique. Il résume et décape les comportements sociaux, tout en les analysant avec une certaine finesse d'esprit. C'est ce ton désabusé qui lui est propre qui plaît, même si de nombreux lecteurs n'adhérerons pas à tout ce qui est dit et que les femmes en prennent pour leur grade.

Après une intro plutôt obscure, Houellebecq dresse le portrait d'un humoriste beur, nommé Daniel, qui pourrait être une métaphore de l'auteur lui-même. Il est le personnage central du roman et il nous raconte sa vie, depuis sa rencontre avec Isabelle, celle qui deviendra sa première femme, jusqu'à Esther, cette jeune de vingt ans qui le ravira sexuellement dans la deuxième partie.

Les chapitres s'alternent et, très vite, on comprend que Daniel est à l'origine de Daniel 24, celui qui expose l'avenir de l'humanité dans un futur éloigné. Cependant, l'aspect anticipation du roman n'est pas très probant.

"À tout observateur impartial en tout cas il apparaît que l'individu ne peut pas être heureux, qu'il n'est en aucune manière conçu pour le bonheur, et que sa seule destinée possible est de propager le malheur autour de lui en rendant l'existence des autres aussi intolérable que l'est la sienne propre..."

Ce n'est pas le roman que je conseillerais en premier lieu si vous ne connaissez pas l'auteur. Et si vous vous lancez dans la lecture de celui-ci parce que son titre vous semble évocateur, poétique et plein d'espoir d'évasion, vous serez immanquablement déçu. Houellebecq est égal à lui-même et aborde l'humanité avec noirceur. Il prône l'indifférence à la déception et dénigre certaine choses sans vergogne, mettant le sexe au centre de ses rapports avec les femmes et poussant à la polémique avec ses idées provocatrices concernant la religion et la morale.

"... j'aperçus mon visage se reflétant dans une glace, et je compris. J'avais la quarantaine bien sonnée ; mon visage était soucieux, rigide, marqué par l'expérience de la vie, les responsabilités, les chagrins ; je n'avais pas le moins du monde la tête de quelqu'un avec qui on aurait pu envisager de s'amuser ; j'étais condamné."

C'est sur l'île de Lanzarote, alors que Daniel se rend pour la seconde fois à une réunion de la secte des Elohim, que l'on comprend le titre du roman. La supercherie qui aura lieu est l'un des rebondissements qui marche le mieux, mais il faudra attendre 300 pages pour qu'il survienne. De plus, arrivé à 400 pages, on se lasse profondément car on sent qu'il n'y a plus rien à raconter. L'auteur aurait dû couper la fin car les dernières pages sont barbantes, et l'on a juste envie que ça finisse. L'errance avec les "sauvages" et les néo-humains n'apporte rien. En fait, de mon point de vue, Houellebecq aurait dû supprimer l'aspect anticipation de son roman. Il aurait pu se contenter de narrer l'histoire de Daniel premier du nom, avec ses deux relations sentimentales plus celle de son chien Fox, ainsi que sa rencontre avec la secte et puis c'est tout. Cela lui aurait évité une alternance de chapitres insipide et une fin qui tire en longueur inutilement. On sent également que le côté comique de son personnage n'est qu'un artifice et l'on n'y croit pas vraiment, et c'est dommageable. De tous les romans de l'auteur, je dirais que c'est le moins bon.

Dans le genre anticipation qui a du sens, lisez plutôt "La mer de la tranquillité" de Mandel, et si vous voulez lire Houellebecq, essayez plutôt "La carte et le territoire", parfait pour découvrir l'auteur.

R.P.



04/06/2024
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