"La promesse de l'aube" de R. Gary
"La promesse de l'aube" de Romain Gary.
"et je pensais à toutes les batailles que j'allais livrer pour elle, à la promesse que je m'étais faite, à l'aube de ma vie, de lui rendre justice, de donner un sens à son sacrifice et de revenir un jour à la maison, après avoir disputé victorieusement la possession du monde à ceux dont j'avais appris à connaître, dès mes premiers pas, la puissance et la cruauté."
Tout commence sur le rocher de Big Sur, au bord de l'Océan, alors que Romain est âgé de 44 ans et que, entouré d'animaux, il repense à son existence, en commençant par son enfance aux côtés de sa mère. Cette dernière sera un personnage capital dans la vie de Romain. Car c'est sa mère qui le poussera à devenir quelqu'un d'important et qui, par son enthousiasme, lui fera rêver d'une France embellie. Débute alors son autobiographie, qui révèlera les aspects cocasses de ses expériences, comme lorsque sa mère le surprend au lit avec Mariette, la bonne, ou lorsqu'il distribue des gifles pour défendre l'honneur maternel, ou encore lorsqu'il mange n'importe quoi pour plaire à Valentine sa camarade d'école dont il est amoureux. D'un chapitre à l'autre, la chronologie n'est pas systématiquement respectée, mais la confusion n'est pas forcément un mal d'autant que chaque chapitre se révèle une scènette permettant à l'auteur de livrer une sorte d'anecdote de son passé. On découvre ainsi que le drolatique acteur Alex Gubernatis fut à l'origine du personnage de Sacha Darlington dans "Le Grand Vestiaire".
"La psychanalyse prend aujourd'hui, comme toutes nos idées, une forme aberrante totalitaire ; elle cherche à nous enfermer dans le carcan de ses propres perversions. Elle a occupé le terrain laissé libre par les superstitions, se voile habilement dans un jargon de sémantique qui fabrique ses propres éléments d'analyse et attire la clientèle par des moyens d'intimidation..."
Romain Gary se permet, au détours de quelques critiques cinglantes, de donner son avis sur certains aspects du monde qui l'entoure, comme dans le chapitre X où il dénigre la place prépondérante de la psychanalyse.
Le lecteur peut se délecter de la fluidité de la plume de l'auteur et du ton pétillant qu'il emploie lors de l'exposition des divers tableaux constitués en chapitres qui jalonnent son parcours de vie.
"L'âge n'y fait rien, Nina. Le cœur ne vieillit jamais, et le vide, l'absence qui l'ont marqué, demeurent et ne font que grandir. J'ai évidemment conscience de mon âge mais les rapports humains peuvent s'épanouir dans la maturité d'une manière... Comment dirais-je ? Radieuse et paisible."
La première moitié du roman est dédiée à l'enfance, tandis que le seconde nous détaille la vie adulte de l'auteur, avec ses premières publications, ses périodes difficiles proches de la famine, et surtout son intégration dans l'armée et l'arrivée de la seconde guerre mondiale. Mais Romain Gary ne se départ pas un seul instant de son humour, au contraire, l'épisode de l'attentat contre Hitler par exemple, au ch.XXVII, en est une belle illustration, tout comme le duel contre les russes jusqu'à l'hôtel.
Parmi les trouvailles fabuleuses, la manière dont le caractère de Romain s'imprègne de celui de sa mère se révèle surprenant ; le désir qu'éprouve l'auteur à plaire à sa mère devient si exaltant pour le lecteur qu'il assiste béat à la substitution qui s'opère en fin de chapitre XXXI.
C'est avec un plaisir et un humour permanent que cette "Promesse de l'aube" se dévore, sans lasser, avec un regard amusé sur la situation dramatique que traverse l'auteur pris en pleine guerre, et ce jusqu'à son dénouement, triste et pourtant calme et apaisé, plein d'espoir.
À lire absolument pour découvrir l'auteur ou pour en apprécier le parcours atypique !
R.P.
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