"Les bonnes âmes de Sarah Court" de C. Davidson.
"Les bonnes âmes de Sarah Court" de Craig Davidson.
"J'ai soulevé la barre pour libérer sa gorge, me disloquant les deux épaules pendant la manoeuvre. Elle est tombée du banc. Son crâne a heurté le tapis en caoutchouc. Ses yeux, deux minuscules feux rouges. La mâchoire grande ouverte. Sa gorge enfoncée, là où la barre avait broyé le tube cartilagineux de sa voie respiratoire."
Après "De Rouille et d'os" et plus récemment "Cascade", on en attendait beaucoup de cet auteur. Malheureusement, la première partie, intitulée "Eau noire" n'est pas folle. C'est un peu brouillon et pas aussi bien écrit qu'habituellement. La deuxième partie, "Poudre noire", semble elle aussi inachevée, et l'on sent que Davidson y reviendra plus tard dans son roman. Il n'empêche, pour un roman, on a plutôt l'impression de lire des nouvelles enchevêtrées, ce qui est très décevant. Heureusement, il y a quand même quelqeues très bons moments, comme lorsque Fletcher, accompagné de James et son chien Matilda, rendent visitent à Starling et à son biographe Parkhurst (voir "Eau noire") et s'adonnent à un pari des plus stupides ; un pouce contre une Cadillac.
"Des habitués de la classe économique. Avec sous les ongles des petits bouts du sachet de cacahuètes gracieusement offert par la compagnie aérienne. Nous, la tribu des moitiés. À moitié beaux, à moitié intellectuels, à moitié prospères, à moitié membres de la société des loisirs, à moitié heureux, à moitié vivants."
Comme d'habitude avec Davidson, seuls les perdants qui cherchent à s'en sortir sont mis en scène, mais leur vie est dure et les choix qu'ils font peu judicieux. Pourtant, au fil du récit, on finit par s'ennuyer ferme. Ce n'est pas tant que la noirceur nous gêne ou nous incommode, non, mais plutôt que seule la forme courte fait des merveilles. Ici, on perd le fil de l'histoire et l'intérêt général du roman. La partie "Carte noire", par exemple, vire à l'insupportable. Les croisements avec l'ensemble des personnages aperçus précédemment deviennent redondants et inefficaces. On se lasse de toutes ces histoires croisées qui n'éveillent plus l'attention du lecteur et le perdent dans un dédale de mini histoires à n'en plus finir ; chaque protagoniste raconte sa vie dans le désordre, croise le destin des autres protagonistes dans le désordre et il en résulte un chaos épuisant. Malgré le malheur ambiant, on n'est plus touché ni affecté d'une quelconque manière, on a juste envie que ce soit moins alambiqué et plus prenant.
"Vous, les vivants êtes tellement pétris de défauts. Le pire d'entre eux est de chercher constamment à être heureux. Le bonheur est meilleur quand il se vit à petites doses et ne dure pas trop longtemps. Exiger davantage confine à la folie."
L'avantage, c'est que l'auteur ne nous prend pas pour des idiots et c'est à nous de reconstruire le puzzle. Par exemple, on doit déduire le rôle de Mama Russel dans la cybercriminalité ayant mené Dylan au suicide. Sauf que l'histoire de Dylan nous lasse - en dépit de son malheur - et que la résolution (comme chaque histoire d'ailleurs) se termine seulement dans la partie suivante, voire au moment de l'épilogue final.
Dans l'ensemble, Davidson fait trop de détours et manque sa cible. Son récit s'éparpille au point de perdre de sa substance, ce qui est vraiment dommageable.
R.P.
Inscrivez-vous au blog
Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour
Rejoignez les 3 autres membres