Contre-critique

"Princesse Bari" de Sok-yong Hwang.

"Je la vois de dos, elle a les fesses bien pleines : je ne suis pas un homme, mais même à mes yeux, elle me paraît aussi séduisante qu'une pivoine. Alors, je lui ai dit de venir vivre chez nous. J'ai rencontré ses parents, je leur ai parlé de mon fils."

Voici l'histoire de Bari, la septième fille d'une famille vivant du côté de Pyongyang. Bébé, elle fut sauvée par la chienne de la famille, nommée Hindung, après que sa mère l'abandonnât dans la forêt située près du village, car chaque nouvelle fille faisait la déception du père.

Plus le récit avance, plus il devient âpre. La famine guète, puis les morts s'accumulent, mais la famille tient bon.

"C'était une femme, la face dans l'eau, un bébé sur le dos ; tout comme sa mère, l'enfant était mort. En temps ordinaire, nous aurions poussé un cri, nous nous serions précipitées pour aller chercher du secours, mais là nous sommes restées plantées sur la berge à la regarder passer..."

À noter que l'héroïne, Bari, a des visions et possède la capacité de communiquer avec les animaux, ce qui fait virer le roman du côté du fantastique, malgré un réalisme et une étude sociale plutôt documentés.

Passés les premiers chapitres, le roman devient aussi palpitant que tragique. Les rebondissements sont nombreux, Bari se retrouve jetée dans un périple étourdissant, et le récit trouve enfin son rythme. L'histoire devient aussi trépidante que celle de "Shim Chong", et les deux romans possèdent bons nombres de points communs ; une fille qui traverse des épreuves insensées, qui parvient à survivre, et finalement qui finit par trouver sa place.

Mais contrairement au précédent "Shim Chong", ce "Princesse Bari" est un récit ancré dans l'époque contemporaine. Il commence aux abords de l'année 1994 et nous offre un passage au vingt-et-unième siècle. On découvre Londres, son Chinatown et les affres des réfugiés clandestins. On a pourtant l'impression de vivre une histoire d'une autre époque, ce qui est édifiant, puisqu'elle se situe à notre siècle et nous dévoile les attentats de 2001, la guerre en Irak et ce genre de tragédies modernes.

Un roman étonnant, qui déconcerte et émeut, bref, une belle découverte.

 R.P.