Contre-critique

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"En finir avec Eddy Bellegueule" de É. Louis

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"En finir avec Eddy Bellegueule" de Édouard Louis.

 

"C'était une femme souvent en colère. Elle protestait dès qu'elle en avait l'occasion, toute la journée elle proteste contre les hommes politiques, les réformes qui réduisent les aides sociales, contre le pouvoir qu'elle déteste au plus profond d'elle-même. Pourtant, ce pouvoir qu'elle déteste, elle l'appelle de ses vœux quand il s'agit de sévir : Sévir contre les Arabes, l'alcool..."

Eddy Bellegueule, c'est le nom du héros de ce court roman au récit sous forme de confidence, qui va nous plonger dans l'univers violent d'une famille d'un village picard. Âgé de onze ans, Eddy vit dans une famille pauvre d'un village du Nord, où règne alcoolisme, racisme et homophobie, alors qu'Eddy justement, est maniéré malgré lui et que sa voix aiguë et sa démarche lui font endurer les pires quolibets. Le point de vue du héros soulève donc un questionnement : Comment vivre et s'épanouir lorsqu'on est différent du cadre dans lequel on baigne, cadre qui n'a pas donné accès aux études et qui a pétri de préjugés et d'idées arrêtées ses membres, et où tout changement dans une ligne de conduite qu'on s'évertue à maintenir entraîne un déchaînement de violence et de rejet ?

"Parler philosophie, c'était parler comme la classe ennemie, ceux qui ont les moyens, les riches. Parler comme ceux-là qui ont la chance de faire des études secondaires et supérieures et, donc, d'étudier la philosophie."

 Narré à la première personne et découpé en chapitres qui dressent le décor, toute la première partie, truffée d'anecdotes et de constats sur le comportement de chacun, s'avère âpre, mais c'est surtout la deuxième partie qui est difficile à encaisser et qui risque de choquer. Pourtant Eddy pose un point de vue globale sur sa situation, et ne raconte que partiellement le temps présent. Entre un père alcoolique qui travaille à l'usine, un grand-frère violent, une mère qui n'a pas le temps de s'occuper de lui, et des collégiens bourreaux, Eddy devra faire face aux autres et trouver une solution, puisqu'il lutte contre tous, y compris contre lui-même.

Écrit simplement, avec peu de vocabulaires mais beaucoup de sincérité, le premier roman de Édouard Louis touche au cœur. Bien qu'il aborde l'homosexualité, on pense à tous les cas d'enfants rejetés par les autres, et martyrisés aussi bien physiquement que psychologiquement, uniquement parce qu'ils sont en marge, différents de la majorité. On a de la peine pour ce personnage qui n'a rien demandé et qui ne fait de tort à personne, mais qui se voit victimisé du simple fait de son orientation sexuelle. Et la force du roman est de ne jamais devenir larmoyant, mais de faire ce constat amer et réaliste.

À découvrir.

R.P.



29/08/2016
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