Contre-critique

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"Gagner la guerre" de J-P Jaworski

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 "Gagner la guerre" de Jean-Philippe Jaworski.

 

"On se délasse avec les filles qui nous tombent sous le gantelet et puis, pour leur épargner des désillusions sur l'inconstance masculine, on les poinçonne vite fait sur leur lit de délices. Pour que la fête soit plus belle, on décore les arbres et les balcons avec leurs frères, leurs fiancés et leurs maris, le cou joliment cravaté de chanvre."

Vous l'aurez compris, après l'extrait ci-dessus, ce roman est plein d'une ironie mordante. Le héros, Benvenuto, celui qui nous raconte ses mésaventures à la première personne du singulier, joue avec le lecteur à l'aide d'un humour plutôt acide et d'un perpétuel sens du second degré. La lecture s'en révèle plaisante et agréable, surtout quand l'auteur fait montre d'une belle maîtrise de la langue.

Cependant le roman n'est pas à mettre entre toutes les mains. D'abord, il faut avoir envie de lire le parcours d'un homme cruel et assassin qui n'hésitera pas à trahir et tuer un complice, ou encore à violer une adolescente de quinze ans (la jeune Clarissima). Seconde chose, le récit est vraiment raconté minutes après minutes, ce qui le rallonge considérablement et le densifie inutilement. Chaque journée y est décrite du matin jusqu'au soir et chaque déplacement ou voyage entrepris par le héros est scrupuleusement rapporté, quitte à engorger le texte de belles longueurs, là où des ellipses auraient été les bienvenues.

"Quand la crise que je prévois éclatera, on se souviendra avec nostalgie de votre gouvernement, comme d'une sorte d'âge d'or. Alors certes, je vous propose un arrangement très intéressé. Mais je vous offre aussi de construire votre postérité."

Le roman possède de belles envolées et des combats palpitants, cependant, il demeure indéniablement bavard. Les longues tirades, les négociations et explications des faits apparaissent trop nombreuses et risquent vraiment d'ennuyer le lecteur qui s'attend à davantage d'action de la part d'un récit partout qualifié de franche réussite. D'autant qu'à mi parcours, on perd vraiment le fil de l'histoire, lorsque Benvenuto part à Bourg-Preux. Pourquoi raconter par le menu, ce qui se passe à l'extérieur de Ciudalia, alors que l'intrigue se déroule en son sein ?

"Le chien bondit sur moi. Il me heurta dans le dos, de tout son poids, et referma sa mâchoire à la jonction du cou et de l'épaule. Mon cuir me protégea la clavicule et l'omoplate, mais quelques crocs me fouaillèrent le côté de la gorge."

La fin est un peu abrupte, ce qui dénote avec le reste qui est long. On aurait aimé savoir si Sassanos allait réellement prendre le pouvoir, ou si le Podestat Ducatore le manipulait autant que Benvenuto. Et puis, pourquoi boire la coupe qu'on lui tend, bêtement, alors que Benvenuto aurait pu s'en sortir avec une pirouette verbale ou acrobatique comme il a su le faire durant tout le roman ? En définitive, même si le parcours du personnage central est intéressant et jalonné de combats héroïques, on regrette les terribles longueurs qui ponctuent le roman et qui nuisent à son efficacité. "Janua Vera", le recueil de nouvelles antérieur de Jaworski, est un plus plus varié et moins linéaire, mais n'est pas non plus phénoménal. Espérons que le prochain roman de l'auteur, "Même pas mort", sera plus enthousiasmant !

R.P.



13/09/2021
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