"Les particules élémentaires" de M. Houellebecq
"Les particules élémentaires" de Michel Houellebecq.
"En outre, cette fameuse "crise de la quarantaine" est souvent associée à des phénomènes sexuels, à la recherche subite et frénétique du corps des très jeunes filles. Dans le cas de Djerzinski, ces considérations étaient hors de propos : sa bite lui servait à pisser, et c'est tout."
Après le court et marquant "Extention du domaine de la lutte", le premier roman de Michel Houellebecq, voici un deuxième roman, plus dense et tout aussi intense que le précédent. Le verbe sec et sans langue de bois de l'auteur fait mouche et possède déjà ce qui a fait sa réputation et ce qui fera polémique dans ses romans suivants, tel "Plateforme".
"Les particules élémentaires" livre le parcours de Michel Djerzinski, un chercheur en biologie de quarante ans qui fête son pot de départ dès l'ouverture du roman, ainsi que celui de son frère aîné Bruno, qui naquit d'un autre père. Michel est un homme peu loquace qui mène une vie morose et ne fréquente quasiment personne. Les deux frères vécurent tous deux des expériences douloureuses (surtout Bruno à l'internat) durant leurs enfances passées loin de leur mère.
Dès les premiers chapitres, qui retracent la vie de Michel et Bruno, on est conquis. Comme d'habitude Houellebecq mêle la petite histoire à la grande et propose, à travers le portrait de deux frères, une étude sociologique des mœurs européennes des années 70. C'est cru et frontal mais pas déraisonné, bien au contraire. Derrière la provocation ou le sarcasme se cache une réflexion et c'est ce qui enchante la lecture.
"Tel est l'un des principaux inconvénients de l'extrême beauté chez les jeunes filles : seuls les dragueurs expérimentés, cyniques et sans scrupules se sentent à la hauteur ; ce sont donc en général les êtres les plus vils qui obtiennent le trésor de leur virginité, et ceci conctitue pour elles le premier stade d'une irrémédiable déchéance."
La deuxième partie du roman est axée sur Bruno et sa quête sexuelle. Puis sur ses rapports avec son fils et son éditeur. La solitude et le désenchantement sont au cœur du roman et la confession de Bruno possède une tristesse palpable, presque pathétique, mais réaliste et pas du tout larmoyante. Bref, le constat est amer, comme souvent chez Houellebecq. Et le cynisme n'empêche pas le plaisir de lecture, au contraire.
Après la troisième et dernière partie du roman, Houellebecq bifurque vers l'anticipation et prévoit l'avenir de l'humanité. Sa vision se veut prophétique et dystopique, et parvient à rendre une vision globale de l'humanité. Beaucoup moins politique, le roman laisse tout de même présager son dernier "Soumission".
Tout à fait réussi dans son ensemble, "Les particules élémentaires" est une belle réussite qui mérite d'être découverte, dans la lignée du très bon "La carte et le territoire".
R.P.
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