Contre-critique

Contre-critique

"La langue des choses cachées" de C. Coulon

Sans titre.jpg
 

"La langue des choses cachées" de Cécile Coulon.

 

"Le bois : brossé de traces, de mains qui se sont agrippées à son bord, d'assiettes chaudes, de couteaux plantés, d'ongles cassés. Il voit la longue table : un cri vient d'ailleurs, il est le seul à l'entendre, il se doute qu'ici la mère de famille a été violée..."

Que de chemin parcouru depuis les "...enfants sages". La romancière livre ici un roman resserré, aiguisé et tranchant, bien loin des premiers écrits qui semblaient plus alambiqués. Ce roman-ci est net et précis, il demeure du début à la fin dans l'action du moment, et ressemble à un tour de force.

L'ambiance est particulièrement sombre et malsaine et se déroule dans un lieu nommé le Fond du Puits. Un prêtre fait appelle à la mère, mais c'est le fils qui est envoyé par elle. Ce qui est admirable et hypnotique pour le lecteur, c'est que tout est noir et virulent à chaque page, alors que l'écriture demeure belle et poétique, tout en étant capable d'entailler la chair.

"La rivière n'a jamais passé ces barricades. Son lit n'est pas large mais il lui suffit, ici personne ne tente de détourner sa course ni d'assécher ses rives, de vider ses entrailles. Les habitants du Fond du Puits se contentent de la traverser, parfois ils jettent des épluchures depuis les fenêtres..."

On le répète, l'écriture est vraiment plaisante et réjouissante dans sa noirceur. De plus, le suspense est continu. On ne sait qui est ce fils qui arrive, ni ce qu'il s'apprête à faire. On sent qu'il est capable, comme sa mère, d'accomplir de grandes choses, mais sa mission quasi mystique, bien qu'elle soit de nature à guérir, demeure floue. À chaque court paragraphe qui s'enchaîne, on suspecte des choses, on appréhende, et l'on attend de savoir véritablement ce qui se joue. De fait, on dévore la bonne centaine de page qui constitue le livre presque d'une traite.

"Il ne doit pas répondre, il ne doit pas ouvrir, il ne doit voir que le prêtre, l'enfant malade et sa famille. Il est appelé pour une personne et quand il vient, cette personne est au centre de tout : il ne doit parler qu'aux âmes impliquées dans la vie du malade. Sa mère aurait déjà chasser l'insolent..."

Malheureusement, même si le départ est remarquable et envoûtant, l'histoire, bien que courte et percutante, finit par tourner un peu sur elle-même. Elle contient des redites et ne lâche pas vraiment les chevaux. On s'attendait a une fin épique et grandiose mais le fil du récit reste au même niveau tout du long.

Cécile Coulon nous rappelle tout de même ici la poésie et la brièveté de Shun Medoruma, et la langue rugueuse de Justine Niogret.

Un roman comme une formule magique, très proche de la nouvelle, qui affleure la sorcellerie et va très probablement nous marquer, mais qui n'aboutit pas à la perfection escomptée. À découvrir malgré tout !

R.P.



18/04/2024
0 Poster un commentaire
Ces blogs de Littérature & Poésie pourraient vous intéresser

Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 3 autres membres