Contre-critique

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"Le dîner" de H. Koch

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"Le dîner" de Herman Koch.

 

"Je n'arrive plus très bien à me souvenir à quel moment il s'était promu fin connaisseur des vins, dans mon esprit cette promotion s'était produite assez brusquement ; du jour au lendemain, il avait été celui qui avait pris la carte des vins le premier et marmonné quelques mots sur l'"arrière-bouche du terroir" des vins portugais..."

Dès les premières pages, on est conquis et enthousiaste quant à la tournure que prend le roman. Le narrateur, nommé Paul, nous explique avec sagacité qu'il se rend dans un restaurant très couru. Il est accompagné de sa femme, Claire, à l'occasion de ce dîner avec Serge Lohman, un politicien dont le statut l'extirpe du commun des mortels. Ce dernier est accompagné de sa femme Babette et l'on apprendra bientôt que Serge est en fait le frère aîné de notre héros. Chacun des deux frères à un fils, ce qui n'est pas anodin concernant la suite des événements, mais le repas va d'abord virer à la confrontation, avec une rivalité fraternelle sous-jacente.

Sur toute la première moitié du roman, le rythme des phrases est limpide comme une source, et la réflexion ainsi que l'analyse sont perpétuelles, si bien que l'on se laisse agréablement happer par cette narration ludique et acérée. Et l'on dévore les pages sans se lasser, on peut même dire : avec une certaine jubilation.

"J'avais entre-temps fait le tour du bureau et je l'ai de nouveau frappé au visage, plus bas cette fois, au niveau des dents qui se sont cassées en me faisant mal aux jointures. Il a hurlé, il a crié quelque chose d'incompréhensible, mais je l'avais déjà extirpé de son fauteuil pour le mettre debout."

Puis, à mi-roman, la joie cède le pas au drame, et le récit s'alourdit. La légèreté de la première partie s'évanouit totalement et l'on bascule dans quelque chose de beaucoup plus solennel et pesant. Le plaisir de lecture s'amoindrit considérablement, même si le récit demeure trépidant. Car la situation prend une tournure inattendue dès lors que l'on découvre les agissements de Paul. On comprend pourquoi son fils Michel s'est retrouvé dans une situation de violence gratuite.

Herman Koch semble démontrer à la fois l'importance du comportement paternel dans la constitution psychologique d'un enfant, et aussi ses conséquences désastreuses. "Le dîner" reste cependant impartial et ne tombe pas dans le pamphlet contre la violence physique, alors qu'est démontré que les auteurs de sévices ont une conscience réelle de leurs actes. Le lecteur en ressort tout groggy d'un tel renversement de valeur morale, et l'on comprend, en le refermant, pourquoi ce roman a connu un succès si considérable.

À découvrir d'urgence !

R.P.



19/02/2018
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