Contre-critique

Contre-critique

"Les deux Beune" de P. Michon

Sans titre.jpg
 

"Les deux Beune" de Pierre Michon.

 

"Celle-ci me mit à l'instant d'abominables pensées dans le sang. C'est peu dire que c'était un beau morceau. Elle était grande et blanche, c'était du lait. C'était large et riche comme Là-Haut les houris, vaste mais étranglé, avec une taille serrée..."

La première partie a été écrite en 1996, et l'ensemble, par moments, nous met la fièvre dans le sang. C'est l'histoire d'une rencontre avec une buraliste, Yvonne, qui fait outrageusement fantasmer le narrateur, à savoir monsieur Pierre, un jeune instituteur qui ne pourra plus se l'ôter de l'esprit. Mais notre instituteur est déjà en couple avec Mado, même si celle-ci n'apparaît que bien plus tard, et son fantasme aura du mal à devenir réalité.

Le récit est vibrant, plein de fougue et d'allégresse, et pourtant il aborde le désir sexuel sous des détours presque métaphoriques et invisibles, et il cache sa crudité à l'image de sa couverture ; des lignes franches mais détournées.

"J'élevai la main, l'ouvris, la posai comme dans un rêve sur la manche du manteau. Je crus sentir à travers la manche la totalité de ce corps, de cette volonté, de cette cambrure, de cet élan appuyé sur le colossal aplomb des talons hauts. Elle ne disait toujours mot. Elle ne retirait pas son bras."

Étrangement, on navigue entre l'enivrement du désir et la description de la Beune et ses alentours. Et parfois, parmi les sinuosités du parcours, lorsqu'on s'attarde sur Jeanjean ou sur Bernard, le fils d'Yvonne, on s'égard et l'on perd un peu le fil conducteur du récit. Mais il faut tenir bon car le texte est court et retombe habilement sur ses pattes, grâce notamment à quelques moments qui touchent au sublime et que l'on dévore avec avidité.

"cette chaude haleine ajoutait comme toujours au malaise d'être plus bas que les morts, comme si vous soufflait dessus une bête pendue à ces voûtes, rampant à l'aise sur ces sables pourris, toujours vous précédant hors du faisceau de la lampe mais par-dessus son épaule braquant sur vous son mufle et vous attendant au tournant, une grande abstraction ambulante, chaotique et toute prête à s'incarner pour peu que la lampe s'éteigne..."

Pour qui aime la poésie, la danse des mots, l'originalité et le fantasme, c'est clairement un texte indispensable. Quand la littérature frôle l'extase, ça chamboule, ça possède et ça surprend !

R.P.



26/12/2024
0 Poster un commentaire
Ces blogs de Littérature & Poésie pourraient vous intéresser

Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 10 autres membres