Contre-critique

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"Les dix enfants que madame Ming n'a jamais eus" de E-E Schmitt

 

"Les dix enfants que madame Ming n'a jamais eus" de Eric-Emmanuel Schmitt.

 

"Quand je songeais aux trois années qu'elle avait passées ici où la vie se réduisait à des tâches ineptes réitérées douze heures d'affilée parmi des collègues automates, je comprenais son besoin de s'évader, de partir, de respirer un autre air."

Madame Ming, une quinquagénaire de la province de Guangdong à la tournure d'esprit acidulée, se confie au narrateur, un occidental qui travaille dans une firme implantée en Chine. Madame Ming est une simple gardienne de latrines d'un grand hôtel, mais sa personnalité va plaire au narrateur qui prend plaisir à aller aux toilettes pour converser avec elle. Mais très vite, la révélation des dix enfants de Mme Ming va paraître suspecte étant donné la loi du pays.

"Se figure-t-elle que j'allais la croire ? M'estimait-elle stupide ? Chacun savait - même un touriste dépourvu de cervelle - que, pour dompter la démographie, l'État chinois depuis des décennies interdisait aux couples de mettre plus d'un enfant au monde."

Ce nouveau récit du cycle de l'invisible, le sixième, nous donne à nouveau de quoi méditer. Après les religions et la spiritualité, Schmitt nous propose la sagesse philosophique, avec une fable dont la toile de fond est la pensée de Confucius. Car Schmitt, par l'intermédiaire de Mme Ming, parsème son récit de citations telles "Le sage décèle en lui la cause de ses travers ; le fou en accuse les autres" ou encore "L'expérience est une bougie qui n'éclaire que celui qui la tient".

"- Il paraissait bien vous connaître.

- L'homme supérieur se montre amical sans familiarité ; l'homme vulgaire se montre familier sans amitié."

Malgré la volonté de l'auteur de chercher la gangue universelle sous la diversité, de chercher ce qui a valeur de sagesse pour toutes les cultures, on sent une légère outrecuidance chez l'auteur. Notamment lorsqu'il parle de lui à la troisième personne du singulier et confie dans une interview publiée dans l'Hebdo : "J'ai absorbé le confucianisme depuis si longtemps que c'est en partie devenu du Schmitt". Comparer son style à la pensée avisée de Confucius est un peu trop osé et ce côté pédant se retrouve aussi dans son écriture.

"Je ne savais si elle me touchait ou si elle m'horripilait en tenant à ce que les détails de sa jactance improvisée demeurassent véridiques."

"Les dix enfants que madame Ming n'a jamais eus" est pourtant un court roman qui se lit sans difficulté et qui divertit agréablement, avec en plus une pointe de dénonciation. Quand il parle de la prédominance des marques occidentales en Chine alors que l'essentiel de la production est fabriquée sur place, ou encore quand il parle de la Révolution culturelle et des camps de rééducation avec l'endoctrinement forcé. Mais cela reste de l'ordre de touches subtiles et l'ensemble du récit manque de force et d'émotion. À la fin de la lecture, on a l'impression que l'auteur est resté trop en surface et n'a pas assez creusé, dommage car le voyage en Chine aurait été plaisant.

R.P.



07/02/2013
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