"Sérotonine" de M. Houellebecq
"Sérotonine" de Michel Houellebecq.
""Humiliés et enculés" c'était un bon titre, du Dostoïevski trash, d'ailleurs il me semblait que Dostoïevski avait écrit sur le monde carcéral, c'était peut-être transposable, enfin là je n'avais pas le temps de vérifier, il fallait que je prenne ma décision rapidement..."
Comme à son habitude, Houellebecq mélange la culture et le sexe et les mêlent au diapason, en accordant autant d'importance à l'un comme à l'autre, ce qui déroute autant que fascine son lecteur. D'ailleurs son personnage central parle de Thomas Mann et de Marcel Proust, en fin d'ouvrage, et conclue que tout le savoir et l'intelligence ne remplacera jamais la prévalence du sexe, comme ces deux auteurs le disent eux-mêmes dans respectivement "La Montagne magique" et "Temps retrouvé". Ce passage vaut à lui seul la lecture complète de "Sérotonine".
Bien que la verve crue de Houellebecq détone toujours autant, le présent récit, racontant la vie de Florent Labroust, par lui-même, manque un peu de continuité et son ensemble n'est pas régulier. Les frasques amoureuses s'enchaînent, à commencer par l'incongrue Yuzu dont Florent veut se débarrasser, puis l'histoire s'enlise un peu avant de regagner en intérêt dans la deuxième moitié, à la révolte des agriculteurs. Mais avant d'y parvenir il y a beaucoup de souvenirs, de gâchis, une rencontre presque anecdotique avec un pédophile, et des regrets amoureux.
"...parfois une vague plus forte que les autres venaient frapper les hublots de notre habitacle, nous étions seuls dans la rame au milieu de deux immensités abstraites, le ciel et la mer, je n'avais jamais été aussi heureux de ma vie et probablement est-ce que ma vie aurait dû s'arrêter là..."
Le mal de vivre et le désenchantement sont les maîtres mots de ce nouveau roman. Et entre moments d'errances, lassitude et déprime, quelques illuminations bienvenues apparaissent. Oui, oui, même chez Houellebecq, le bonheur est possible. Mais ni Kate ni Camille n'auront pu sauver l'âme en perdition de notre héros qui s'enlise dans son mal.
"...le mieux quand j'y repensais était son cul, la disponibilité permanente de son cul apparemment étroit mais en réalité si traitable, on se retrouvait en permanence dans une situation de choix ouvert entre trois trous, combien de femmes peuvent-elles en dire autant ? et en même temps comment les considérer comme femmes, ces femmes qui ne peuvent en dire autant ?"
Vous l'aurez compris le sexe est, comme souvent, au cœur des préoccupations du protagoniste. Mais le passage où il revoit son ami agriculteur Aymeric ravive l'image de ce monde sans bonté décrit par la quatrième de couverture. Et la dernière partie du roman est plus palpitante. Cependant la toute fin, avec métaphore christique, laisse à désirer.
"Sérotonine" ravira à coup sûr les inconditionnels de l'auteur, mais il n'est pas suffisamment percutant ou accrocheur pour le découvrir. Si c'est votre premier roman de Houellebecq, privilégiez "La Carte et le territoire", ou encore "Soumission" qui étaient à mon sens plus accrocheurs.
R.P.
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